AUTOBIOCINETHNOGRAPHIE


1940


Jacques Willemont, AUTO-BIO-cin-ethno-GRAPHIE


1940 - 18 juin

Cette photo explique tout ...

Vers midi, le 18 juin 1940, mon père et ma mère se retrouvent après plusieurs mois de séparation. Geneviève, ma tante paternelle,  est l'auteur de la photo.

Au moment de l’offensive allemande en mai 40, le régiment de mon père est stationné du côté de Reims. La poussée allemande conduit l'état major français à replier cette unité au sud d’Angoulême.

Pour sa part, ma mère a été emportée par l'exode massive des gens du Nord, vers le sud,. En l'occurrence, en Dordogne.

Ils ne savent rien de ce qui se trame ce jour-là à Londres.

Je n'ai connu les circonstances de ma conception que 47 ans plus tard, après avoir offert à ma ma mère, la cassette VHS du film Lascaux revisité que j'avais réalisé pour le compte du Ministère de la culture.

Je suis le fruit d'un "incident". Étant donné qu'ils sont mariés depuis quatre ans, ils connaissent leur affaire, mais ... c'est une histoire de serpent, point final ! C'est ce que j'ai cru comprendre.

Un peu surpris, presque choqué par les explications de ma mère plutôt réservée... Je sais bien que dans la bible, mais ...

Finalement, ce n’était pas cela.


Faisons le point : je savais "quand". Mais "où", ai-je alors demandé ?

Dans une étable mise à disposition par un fermier, fut sa réponse.

Pourquoi pas celle-là --->

Pourquoi suis-je aussi catégorique sur la date ? Ce ne peut-être que le 18 juin, puisque mon père a rejoint son régiment le soir même. Il s'était fait la belle pendant 12 heures. Musicien, mon père copinait avec les gradés. L'adjudant a fermé les yeux.

Voilà à quoi ressemble

- selon la description faite par ma mère -  la grange dans laquelle un "serpent" a joué un tour pendable à mes parents

Retour à la source.

Notez que cette grange se trouve à la sortie de Montignac, ce village où 84 jours plus tard, quatre adolescents vont découvrir l'une des plus fabuleuses grottes ornées de la préhistoire, Lascaux. Ce monument à propos duquel je consacrerai des milliers d’heures de réflexion et de travail à partir de 1987.

<--- Ah, le "saut de carpe" ! Grand affaire

Et d'abord, c'est quoi cette histoire d'"incident" ?J

Parce que mon père, éduqué et caboteur connait la "redingote anglaise" de Casanova.

Lorsqu'il est pris au dépourvu, il ondoie avec les carpes.

Mais ce jour-là ...

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Étant donné le nombre d'IVG pratiqué chaque année, je m’autorise à superposer qu’un partie de mes lecteur ignore tout du "saut de la carpe". Ou alors, les travaux pratiques ont été zappés.

Sur le plan contraceptif, la méthode est aussi "sûre" que d'autres. De plus, c'est sans hormones et cela ne coûte rien.

Enfin ... Sauf si le "saut" est raté. Parce qu'en temps de guerre, avec les restrictions, ça coûte bonbon un bébé.

Tout est relatif puisque j'étais élevé à la campagne. 

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Le sujet est un peu périlleux mais, dans le cadre de ma quête de vérité - "D'où viens-je ? Qui suis-je ? Où vais-je ?" - j'ai besoin d'élucider mon origine. Mes origines.

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Mes origines ...

Cliquer pour ouvrir Google Maps.

Tout s'est passé dans un rayon de 100-150 m autour de l'église d'Ansauvillers, dans l'Oise.

Si vous contournez l'église par la gauche, vous allez découvrir la maison de mes deux arrière-grands-parents.

- à gauche, les Bodelot

- à droite les Willemont


La rue du Bail.

La taverne des Bodelot.

Le magasin de "Nouveautés" des Willemont.

L'histoire héroïque de Napoléon, Adolphe, Fargeau Bodelot.

Le voilà en 1903 devant la taverne qu'il gère avec sa femme, Marie, Blanche Sodmont.

Uhlan allemand en 1914

Cartographie de la bataille des frontières en aout 1914.

A-propos : les centaines de milliers de morts de cet entracte remercient les trois cousins, Raymond Poincaré, leurs états-majors, sans oublier les industriels de cette époque, pour l'honneur qu'ils ont accordé à leurs mères, leurs femmes et leurs enfants fiers d'avoir connu des héros dont les noms figurent toujours sur les monuments de leur état.

Qui remerciera-t-on dans un siècle pour celle qui se profile ?

Napoléon ... en fait, on l'appelait Adolphe ... est né le 16 juin 1858 à Marconne, dans le Pas-de-Calais. Il est mort en 1916, je le l'ai donc pas connu. Et lui n'a pas connu l'autre Adolphe (il était à Ypres à cette époque).

Par contre, j'ai bien connu Blanche, sa femme, née en 1864. Elle a vécu chez sa fille jusqu'en 1952. C'était "mémélo" (mémé Bodelot), la seconde grand-mère qui a vécu sous le même toit que moi pendant quelques temps.


Je me disperse. Revenons à Napoléon ... en 1914. Je dis 1914, mais je n'ai aucune preuve. Toutefois, l'histoire impose la présence à Ansauvillers de soldats allemands, des uhlans dit la légende. Et, après avoir consulté toutes les cartes des mouvements des troupes belligérantes en 14-18, ce n'est qu'au tout début de la guerre que cette intrusion des cavaliers en reconnaissance est possible.

<---- Le mouvement des troupes au début de la guerre 14-18. Cliquer pour agrandir.

Un certain jour, mon arrière-grand-père Bodelot entend frapper à la porte de son débit de vin ...

A travers les vitres, il aperçoit des soldats avec leurs chevaux. Il sait immédiatement qu'il ne s'agit pas de français, ni d'anglais : la rudesse des mots prussiens est légendaire.

Allez ... je vous raconte.

Le saccage.

La voilà, cette seconde grand-mère. C'est Blanche, la femme trônant dans l'entrée de son  bistrot en 1903. 

Blanche encore, dans la cour de la maison "des Willemont", 50 ans plus tard, au côté de sa fille Germaine, ... ma grand-mère. Vous suivez ?

Mais tout cela, c'est  le futur : pour l’instant mes premières cellules se démultiplient à toute allure alors que l'armistice signé, ma mère et ses belles-sœurs remontent vers la Picardie.

Un rendez-vous est pris avec moi en 1941, mais elle n'en sait rien encore. Un peu d’inquiétude quand même.

J'ai toujours chez moi, le seul verre à gnôle, sauvé du saccage des uhlans en aout 1914.

Entre temps.

Que s'est-il passé entre 1903 ...

... où Germaine, ma grand-mère, figure sagement au côté d'Adolphe son père (il était rarement nommé Napoléon ... trop politique).

... et cette photo d'elle avec Adrien, prise en 1914 lors d'un voyage à Paris (elles sont accrochées dans un coin de mon bureau).


Adrien et Germaine, mes grands-parents se sont mariés.

La date du mariage figure sur geneanet.org et j'en ai trouvé la preuve à l'état-civil (p115_1902-09, n°13 - Ansauvillers, 60120, Oise, Picardie) : 2 mai 1906.

Leur premier enfant, Roger (+ Émile, Adolphe, les deux prénoms des grands-pères) est déclaré à la Mairie le 22 novembre 1906.

Ho là ! Je vous raconte aussi.

L'enlèvement

Qu'en est-il du côté "Willemont" avant Adrien, mon grand-père ?

Son père, Joseph, "Émile" (1844-1909) est né à Pargny dans la Somme, disait-on. On ne retrouve aucun document parce que le village a été complètement détruit pendant la guerre. Ce qui fait que certains documents le concernant sont patrimoniés Villemont ou Villemant. Ainsi, sur l'acte de mariage du 16 mai 1870 avec Marie Léopoldine Caroline Vaquez, dite "Céline", figure le nom de "VILLEMANT". Noter que Joseph est cuisinier.

De même, leur première fille, Claire, mort-née en 1971 porte également le nom de "VILLEMANT".


Du fait de ce changement orthographe (l'analphabétisme triomphe en ces temps-là ... et ça revient), dans nombre d'arbres généalogiques, Joseph semble de pas avoir d'autre descendance que Marie, Léopoldine, Claire.

J'ai recherché à Ansauvillers, le village de ma famille depuis l'arrivée du couple en 1872.

"Céline" était couturière. C'était une femme forte. Pas grosse, forte. Elle n'aimait pas le travail de cuisine de son mari et elle a trouvé une opportunité à Ansauvillers. Elle a forcé "Émile", son mari (Joseph à l'état-civil) à la suivre.

Sachant lire et écrire, elle a imposé au secrétaire de mairie d'Ansauvillers, d'écrire correctement le nom de son mari, lors de la naissance en 1872 de leur fille "Claire". Naitra un second enfant, Honoré, Gaston en 1872 : il ne vivra qu'une seule année.

Puis, en 1881, vient Adrien, Gaston, mon grand-père paternel. Suivront Clotaire, moi, puis Alexandre et Matthieu (des prénoms de Cro-Magnon), enfin Sacha et Léa (des prénoms d'hommes et de femmes "modernes"). Pourvu qu'ils divergent ces rejetons.

40-41. L'année charnière.

Il a fallu que je raconte à ma mère que de la grotte de Lascaux, il était possible d'apercevoir la maison de son exode, ou tout comme, pour qu'elle me fournisse un peu plus de détails.


Le soir même, mon père rejoint son régiment en marche vers Bordeaux, où il est démobilisé quelques jours plus tard.

Quant à ma mère, elle remonte vers l'Oise avec toute la famille, peu après le 22 juin, jour de la signature de l'armistice par Pétain. Elle est un peu préoccupée par cette histoire ophidienne.

Mon grand-père est un homme cultivé. Parce que curieux de tout. En septembre 1940, il a certainement appris par la presse qu'une grotte extraordinaire est découverte à quelques kilomètres de la ferme dans laquelle ses filles et sa bru se sont réfugiées en juin. Il en a certainement parlé à mes parents. ? Et d'en rire, puisque la rumeur circulait : ma mère avait ramené un souvenir de Dordogne.


Il existe une seconde version. Ma mère n'a pas été troublée par la présence d'un serpent sur une poutre mais par celle d'un loir. Et c'est plus vraisemblable d'autant plus que ...


Dès que je pousse mon premier cri, ma mère questionne le docteur Chaplain (par ailleurs auteur d'un célèbre recette de tripes, dites tripe sà la mode Chaplain ... je donne la recette sur un simple e-mail) :

"- Est-ce qu'il a du poil sur le visage ?

- Rassurez-vous, il est beau comme tout."


Pourquoi cette question ? Parce que mère, superstitieux, connait la rumeur selon laquelle une femme enceinte qui voit ... pire, qui touche un loir risque de mettre au monde un enfant avec du poil sur le visage. Ouf !

Rions !


Il y a une suite. Vingt-huit ans plus tard, de retour du Maroc, ayant vécu d'une manière précaire, j'ai laissé pousser ma barbe.

Quand je franchis sa porte, immédiatement, ma mère s’avance vers moi, prend mon visage à deux mains et s'écrie :

"- Le voilà le poil de loir !".


Il m’arrive encore aujourd’hui lorsque je me regarde dans une glace, de penser ma mère. A son loir. Et à mon serpent.

Voulez-vous la version contée, sans mécompte.

1941 ... : le garçon qui souriait peu.

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